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2 décembre 2023

Josef Fiala (1748-1816)

Josef Fiala (1748-1816), musicien (hautboïste, violoniste, violoncelliste et gambiste) et compositeur des pays de Bohême, ami de la famille Mozart et Européen malgré lui.


Josef Fiala (1748-1816)
Josef Fiala (1748-1816)


Josef Fiala naît à Lochowitz (Lochovice), un petit village tchèque au sud-ouest de Prague, près de Příbram. Il fait ses débuts de musicien (hautboïste ?) au service de la comtesse Netoliczky von Netolicz, qui, décelant ses aptitudes ou sur les conseils d’un musicien proche, l’envoie améliorer son jeu du hautbois à Prague auprès d’un virtuose tchèque. D’après Gottfried Johann Dlabacz (1), Josef Fiala se fait très tôt remarquer par son talent, ce qui est confirmé par la mention élogieuse de son jeu dans un article sur l'exécution d'un oratorio de Josef Mysliveček (1737-1781) publié dans le journal « Der Unsichtbare » (« L’invisible ») daté du 28 avril 1770. Le jeune musicien quitte secrètement Prague dans des circonstances assez rocambolesques, vraisemblablement pour s’émanciper de son statut misérable de musicien domestique, et se rend en Bavière à Ratisbonne. Recherché par la police, il est appréhendé et condamné à deux ans de prison pour avoir quitté son employeur (2). Il semblerait toutefois que l'impératrice Marie-Thérèse d’Autriche soit intervenue pour le faire libérer prématurément. Il joue entre 1774 et 1777 dans la chapelle musicale du prince Kraft Ernst Oettingen-Wallerstein (1748-1802), une des meilleures formations musicales allemandes de l’époque au sein de laquelle travaille également comme contrebassiste son compatriote le compositeur Anton Rössler-Rosetti (1750-1792). Il quitte cette chapelle musicale (pour quelle raison ?) et entre en 1777 dans l’orchestre de la cour munichoise du prince électeur Maximilian III Joseph de Bavière (1727-1777), tout autant mélomane averti que le prince d’Oettingen-Wallerstein et de plus compositeur à ses heures de loisir. C’est à l’occasion de ce séjour qu’il aurait pu faire la connaissance de W. A. Mozart (1756-1791) qui cherche à quitter son poste peu lucratif de « Konzermeister » de Salzbourg. Celui-ci mentionne à plusieurs reprises, parfois avec humour, le nom et le talent de J. Fiala dans sa correspondance. La chapelle musicale est dissoute après la mort du prince électeur et Josef Fiala, sans emploi, et peut-être pour fuir les perspectives de la guerre de succession de Bavière (1778-1779), tente sa chance de retrouver un poste en rejoignant en 1778 Salzbourg, sans doute à cause de ses bonnes relations avec Léopold Mozart (1719-1787) et de son amitié avec son fils mais des problèmes de santé l’obligent à arrêter définitivement de jouer du hautbois. Salzbourg est à cette époque une principauté du Saint Empire romain germanique dont les princes-électeurs archevêques ont compris depuis longtemps que la musique peut activement contribuer à la renommée de la ville (3). J. Fiala devient malgré ses ennuis de santé et probablement avec l’aide de Léopold Mozart, membre de l’orchestre de l’archevêque Hieronymus von Colloredo-Mannsfeld (1732-1812) en tant que violoniste, altiste et violoncelliste tout en jouant également de la viole de gambe et reste à ce poste jusqu’en 1785. C'est de cette période salzbourgeoise que datent la plupart de ses compositions (concertos pour différents instruments, quatuors à cordes et autres œuvres de musique de chambre). On le retrouve ensuite à Vienne, où W. A. Mozart tente de lui trouver sans succès un emploi. Il « choisit » alors de s’expatrier à Saint-Pétersbourg où il semble avoir participé à la fondation de la chapelle musicale du prince (comte ?) Orlov de Tschesmensky (4). Le musicien tchèque organise sur son chemin de retour de Russie des concerts à Breslau, Berlin et Prague, où il se produit le 16 mars 1791 au théâtre du palais Thun (Malá strana). En 1792, il rejoint, à l’âge de 44 ans, son dernier poste dans l’orchestre de la cour du prince Joseph Marie Benoît de Fürstenberg-Stühlingen (1758-1796) à Donaueschingen et y demeure jusqu’à sa mort en 1816.

Notes

(1) Bohumír Jan Dlabač ou Dlabacž, Gottfried Johann Dlabacz (1758-1820) chanoine de l'ordre des Prémontrés, érudit, théoricien de la musique. poète, fut bibliothécaire au couvent de Strahov (Prague), auteur du Allgemeines historisches Künstler-Lexikon für Böhmen und zum Theile auch für Mähren und Schlesien (Lexique historique général des artistes de Bohême et en partie de Moravie et de Silésie.) Le musicographe et historien de la musique belge François Joseph Fétis (1784-1871) écrit, dans sa Biographie universelle des musiciens, Paris, Firmin-Didot, 1861 que « le P. Dlabacz m’a fourni des renseignemens précieux sur un pays où tout est musique, dans son Grand Dictionnaire historique des Artistes de la Bohême. », Biographie universelle des musiciens, t. 1, prés, page 17, Paris, Firmin-Didot, 1861.

(2) Le même F. J. Fétis donne quant à lui une version légèrement différente des évènements lors de fa fuite en Allemagne de Joseph Fiala : « Fiala était fils d’un instituteur et serf de la seigneurie de ce lieu. La comtesse de Lochowitz, femme dure et hautaine, l’avait fait entrer comme domestique dans sa maison, et l’employait à de viles occupations, sans égard pour le talent remarquable qu’il avait acquis presque seul sur le hautbois. Ayant pris la résolution de se soustraire par la fuite à la tyrannie dont il était victime, il partit en secret avec un cuisinier qui éprouvait le même besoin de liberté. Ils avaient déjà fait une longue traite, lorsqu’ils furent rejoints par les cavaliers envoyés à leur poursuite et ramenés au château. Fiala fut jeté en prison, et la comtesse de Lochowitz donna l’ordre de lui arracher les dents, afin qu’il ne puisse plus jouer de son instrument.Touchée de compassion, la noblesse de Prague qui avait souvent admiré le talent de Fiala, intercéda pour lui auprès de l’empereur, qui donna l’ordre à la comtesse de le mettre en liberté et de ne plus s’opposer à sa vocation pour la musique… »

François Joseph Fétis (1784-1871) : Biographie universelle des musiciens, t. 3-4, Paris, Firmin-Didot, 1861, p. 243-4.

(3) « Les princes-archevêques, qui veulent rivaliser avec les cours voisines de Vienne et de Munich, considèrent que la musique contribuera au prestige de leur ville. Et, suivant une organisation qui demeurera jusqu’en 1803, les princes-archevêques de Salzbourg disposent de trois groupes de musiciens : ceux de la cour qui sont soumis au Grand Intendant (Obersthofmeister) ; le chœur qui dépend, en principe, du chapitre cathédral (mais en fait, l’archevêque exerce un droit de regard sur le choix des musiciens et l’organisation de la chapelle), et enfin les trompettistes de la cour placés sous le contrôle du Grand Écuyer (Oberststallmeister). C’est le même orchestre archiépiscopal qui joue à la fois les offices religieux à la cathédrale et la musique profane à la cour. »

Philippe Greiner, « Mozart et l'archevêque de Salzbourg : les voies d'une incompréhension », Transversalités, 2008/3 (N° 107), p. 125-140. DOI : 10.3917/trans.107.0125.


(4) Il ne nous a pas été possible de déterminer chez lequel des trois frères Orlov, Grigori (1734-1783), Fiodor (1741-1796) ou Alexis (1737-1807), J. Fiala aurait participé à Saint-Pétersbourg à la création d’une chapelle musicale.

Sources

Hubert Reitterer/Vlasta Reittererová, Art. „Fiala, Josef‟, in : Oesterreichisches Musiklexikon online, begr. von Rudolf Flotzinger, hg. von Barbara Boisits (letzte inhaltliche Änderung: 18.2.2002, abgerufen am 26.11.2023), https://dx.doi.org/10.1553/0x000209b2
S. Staral in MozartJb 1999
Claus Reinländer : Joseph Fiala. Thematisch-systematisches Werkverzeichnis. 1. Auflage, Puchheim: Edition Engel, 1993, 2. erweiterte Auflage, Puchheim: Edition Engel, 1997
Šárka Hortová : Josef Fiala. Jeho život ve světle mozartovské korespondence a dochovaných notových pramenů, Praha, Univerzita karlova, 1992
Sterling E. Murray : “Thematic index: Fiala” in Seven symphonies from the court of Oettingen-Wallerstein. New York: Garland, 1981
L. Schiedermair in SIMG 9 (1907–08), 91f.; Mozart. Briefe und Aufzeichnungen 7 (1975)
J. Racek in Musikologie 5 (Brünn 1958)
T. Volek in Miscellanea musicologica 6 (Prag 1958)
A. Němec in Zprávy Bertramky, Prag Nov. 1955, 1–4
NGrove Dictionnary 6 (1980) u. 8 (2001)
MGG 4 (1955)
François Joseph Fétis (1784-1871) : Biographie universelle des musiciens, t. 3-4, Paris, FirminDidot, 1861, p. 243-44
Gottfried Johann Dlabacz, Allgemeines historisches Künstler-Lexikon für Böhmen und zum Theile auch für Mähren und Schlesien, Prag, 1815

Œuvres : voir le catalogue thématique de Claus Reinländer et l’index thématique de Sterling E. Murray cités dans les sources de cet article.
Concerti pour hautbois, cor anglais, clarinette et cor anglais, 2 cors, basson, trompette, violon, violoncelle…, musique de chambre (trio de violes de gambe, quatuor à cordes, parthias pour sextuor et octuor d’instruments à vent, duos concertants divers), danses (menuets, danses allemandes), symphonies, Messe en ré (pour l’anniversaire du prince Carl Joachim von Fürstenberg), Ave Maria… 

Eric Baude pour musicabohemica.org, novembre 2023

Joseph Fiala : Quatuor pour hautbois et trio à cordes en fa majeur
Allegro spirituoso, Menuetto Moderato, Andante, Allegro
Simon Fuchs, hautbois, Novsak Trio.

Anton Raphael Mengs (German, 1728–1779) : Une Sybille, huile sur toile 1761
Anton Raphael Mengs (German, 1728–1779) : Une Sybille, huile sur toile 1761



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