« Dvořák, un enfant de Bohême » par le Trio Atanassov
Nous avons déjà évoqué ici le Trio Atanassov et signalé son spectacle « Dvořák, un enfant de Bohême ». Quand Pierre-Kaloyann Atanassov m’a aimablement invité à une de ces représentations, j’ai accepté sans hésiter. Ce n’est pas tous les jours qu’un ensemble musical français s’emploie à partager son émerveillement pour Antonín Dvořák ! Le fait est aussi insolite qu’admirable et, au souvenir des soirées du Centre de Musique de Chambre de Paris, l’on se prend à rêver. Les choses seraient-elles en train de changer ? Ces initiatives, en luttant contre le relatif anonymat où demeure Dvořák dans notre pays, répareront peut-être une injustice immémoriale.
« Dvořák, un enfant de Bohême » par Cécile Pruvot (DR) |
L’auditorium du Perreux-sur-Marne, servant à l’occasion d’écrin au Festival d’automne 2023, est presque complet. Les membres du Trio, une fois les applaudissements tus, s’assoient, mais ne jouent pas. À tour de rôle, chacun prend la parole, relate sa découverte de Dvořák et la passion qu’il nourrit pour ce compositeur. Rien de scolaire ou de sentencieux, bien au contraire. Ce sont là des mots d’amoureux, touchants et simples, prononcés avec une sincérité vibrante, comme le ferait un ami voulant vous confier sa ferveur pour une cause admirable et méconnue. Ces qualités enthousiastes caressent l'oreille quand les interprètes se mettent à jouer pour de bon, faisant retentir plusieurs extraits de l’œuvre de Dvořák à travers ses diverses époques créatrices, entrecoupés d’anecdotes racontées avec un humour consommé. La musique et l’esprit font décidément un bon ménage, lorsqu’ils sont servis de cette manière.
Les trois musiciens — Perceval Gilles, violon, Sarah Sultan, violoncelle, et Pierre-Kaloyann Atanassov, piano — ont enchanté un public tout acquis aux traits d’esprit et à la beauté de leur jeu. Un soin particulier est porté à l’équilibre entre les pupitres, si vital dans cette musique sachant mêler délicatement les voix des différents instruments. Les acteurs-musiciens sont jeunes, inspirés, professionnels tout en restant accessibles, à l’instar du maître qu’ils honorent. L’ovation finale a salué comme il se doit un spectacle mémorable.
Le contenu des anecdotes et des épisodes de la vie de Dvořák reflète fidèlement ce que l’on trouve çà et là dans les livres sur le Tchèque. Oh, sans doute, le chercheur ayant passé une partie de son existence dans des archives oubliées pourra se dire que telle histoire ne s’est vraisemblablement pas passée de cette façon-là, et que telle autre mériterait peut-être des nuances. C’est que la littérature sur ce compositeur, comme le savent les lecteurs de ce site, est elle-même empêtrée de maints à-peu-près qu’il faut considérer avec méfiance. Qu’importe. L’essentiel est là : les premiers pas difficiles d’un jeune villageois féru de musique, sa lente accession à la gloire internationale, son amitié avec Brahms, sa dévotion pour la nature, les pigeons et les chemins de fer, les démêlés avec l’éditeur Simrock, ses voyages en Angleterre et son séjour en Amérique, rien n’est négligé, et surtout pas le plus important, son art toujours expressif en dépit de son abondance, et conservant par-delà les âges un intense intérêt.
On aurait pu craindre une caricature faisant de Dvořák un « grand enfant » naïf et immature, comme certains ont cru bon de le formuler en quelques occasions. La malveillance, il est vrai, prospère volontiers dans l’ombre du génie. On trouvera plusieurs allusions à de telles vilenies dans mon dernier livre. Rien de cela dans le spectacle, heureusement. En effet, si le compositeur, en dépit de son talent, pouvait être naïf et parfois rugueux, sa musique ne l’est jamais, n’en déplaise aux envieux qui attaquèrent le créateur faute de pouvoir flétrir son œuvre.
En rendant justice à la « légende » dvořákienne, le Trio Atanassov fait toucher du doigt la quintessence d’un destin fascinant, celui d’un homme modeste auréolé de son vivant d’une renommée retentissante, et sachant malgré tout rester un simple musicien des Pays de Bohême. Bravo !
Alain Chotil-Fani, 12 novembre 2023
Site du Trio Atanassov : www.trioatanassov.com
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