Premières auditions de la Symphonie du Nouveau Monde - Musical Courier, 20 décembre 1893
Cette page est consacrée au dernier article de notre série reproduisant les réactions et analyses de la presse américaine autour des premières exécutions de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák. Les articles de cette série sont les suivants :
Musical Courier, 20 décembre 1893 (James Huneker ?) - la présente page
James Gibbons Huneker reste, dans la mémoire des études dvořákiennes, comme l'un des pires personnages que le compositeur ait connus. Les origines de cette réputation, en partie injuste, sont diverses. Pour les admirateurs de Dvořák, le récit moqueur d'une sortie arrosée avec le compositeur ne pouvait pas passer. On trouvera la traduction française de cette histoire, publiée deux fois à une année d'intervalle avec quelques différences, ici et là. Huneker serait également l'instigateur d'une déplorable cabale contre la Symphonie du Nouveau Monde, nous dit Kovařík. Enfin, l'article qu'on lira ci-dessous, écrit dans les jours qui suivirent la création de l'opus 95, tranche avec l'enthousiasme des autres critiques. Cette analyse n'est pas signée, mais Huneker est très certainement son auteur, comme l'a démontré Michael Beckerman dans son livre Dvořák and His World, p. 159.
Il est vrai que dans le Musical Courrier de ce 20 décembre 1893, Huneker souffle le chaud et le froid. La symphonie, une grande œuvre ? Certainement, mais de qualité inférieure à ce que Dvořák avait écrit auparavant. Une musique américaine ? Pas vraiment. L'illusion est trompeuse. Cette page est bien européenne avec, peut-être, de légères influences locales.
L'intérêt ici est de trouver la réponse aux deux derniers articles publiés dans cette série. Krehbiel admirait cette symphonie dont le tour de force est de refléter la diversité américaine (lire ici). Creelman (lien) soulignait, avec une emphase certaine et en prenant quelques libertés avec la réalité, le rôle que Jeannette Thurber et lui-même ont joué auprès du compositeur pour l'inciter à écrire cette pièce qui « ouvre une nouvelle ère », tout en brocardant ceux qui avaient émis des doutes.
Huneker fait sonner un autre son de cloche. Il entend ici une musique avant tout européenne : il est instructif de comparer son argumentaire à celui que formulera quelques décennies plus tard Leonard Bernstein. Il indique cependant avoir donné à Dvořák du matériel alors que la Symphonie n'était pas encore commencée : une Suite Créole d'un auteur aujourd'hui tombé dans l'oubli, John Andrew Van Broekhoven, et un recueil de chants d'oiseaux. On se référera aux notes en bas de page pour davantage de détails.
Contexte
L'article est écrit après la création officielle de la Symphonie, qui s'est tenue le 16 décembre 1893.
Ce que dit l'article
La symphonie n'est pas américaine, bien qu'elle puisse çà et là faire allusion à des airs américains, notamment de Noirs. Gamme pentatonique.
Ce que ne dit pas l'article
Aucune allusion à Hiawatha.
Phrases emblématiques
« Antonin Dvorák est un génie — cela ne fait aucun doute. Sa nouvelle symphonie ne le prouve cependant pas autant que les deux précédentes en ré [majeur] et en ré mineur (bien qu'elle s'approche dangereusement d'une grande œuvre), et de quelques autres compositions. »
« L'impression la plus tenace laissée par la nouvelle œuvre est son caractère musical intensif et l'absence totale de recherche de saveur locale, que ce soit dans le caractère des thèmes de leur traitement. »
« La symphonie de Dvorák est américaine : vraiment ? Thèmes de mélodies noires ; composée par un Tchèque ; dirigée par un Hongrois et jouée par des Allemands dans une salle construite par un Écossais. Environ un tiers du public était américain, tout comme les critiques. Le reste était tout sauf américain, comme il se doit. »
Couverture du Musical Courier, 20 décembre 1893, avec un portrait de la soprano française Emma Calvé (DR) |
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Le deuxième concert philharmonique.
La nouvelle symphonie de Dvorák.
Voici le programme de la deuxième répétition publique donnée vendredi dernier dans l'après-midi par la Société philharmonique, et repris lors du deuxième concert, samedi dernier en soirée :
Ouverture, scherzo, nocturne, du "Songe d'une nuit d'été" Mendelssohn
Concerto pour violon, en ré majeur, op. 77 Brahms
Allegro non troppo (cadence d'Henri Marteau).Adagio.Allegro giocoso, ma no troppo vivace (cadence de Henri Marteau).
M. Henri Marteau.
Symphonie "Du Nouveau Monde", n° 5, en mi mineur Dvorák
(Nouveau : première fois en Amérique ; manuscrit).
I. Adagio, allegro molto.II. Larghetto. [sic]III. Scherzo. Molto vivace.IV. Allegro con fuoco.
Lorsque la fumée soulevée par la critique se sera dissipée, on retiendra, d'abord, que le Dr Dvorák a écrit une symphonie d'une extrême beauté ; ensuite, qu'elle n'est pas nécessairement américaine, sauf si pour être américain il faut être composite. La nouvelle œuvre, considérée sous l'angle thématique, est composite, elle sonne de façon irlandaise, slave, scandinave, écossaise, noire et allemande. Cette dernière nationalité ressort de sa construction, car la forme respecte strictement le style symphonique conventionnel, dans la lignée de Beethoven, tandis que la couleur et le traitement sont modernes et typiquement ceux de Dvorak - en d'autres mots, ils sont tchèques. (1)
Le "Herald" de New York a publié dimanche [17 décembre 1893] les remarques du Dr Dvorák sur la valeur des thèmes musicaux nationaux. Je cite :
Je suis maintenant convaincu que la future musique de ce pays doit être fondée sur ce qu'on appelle les mélodies noires. Ceci peut être le fondement d'une école de composition sérieuse et originale qui sera développée aux États-Unis. Ce sont le produit du terroir. Ils sont américains. J'aimerais retracer l'origine individuelle des mélodies noires, car cela éclairerait beaucoup la question qui m'intéresse le plus actuellement. Ce sont les chants folkloriques d'Amérique et vos compositeurs doivent s'en inspirer. Tous les grands musiciens ont emprunté aux chansons du peuple. Le plus charmant scherzo de Beethoven est basé sur ce que l'on pourrait considérer aujourd'hui comme une mélodie noire habilement traitée. Je me suis moi-même inspiré des airs simples et à moitié oubliés des paysans de Bohême pour trouver des idées dans mon travail le plus sérieux. Ce n'est que de cette manière qu'un musicien peut exprimer le véritable sentiment d'un peuple. Il entre en contact avec l'humanité commune de son pays. Dans les mélodies noires de l'Amérique, je découvre tout ce qui est nécessaire à une grande et noble école de musique. Elles sont pathétiques, tendres, passionnées, mélancoliques, solennelles, religieuses, audacieuses, joyeuses, gaies, gracieuses ou ce que vous voulez. C'est une musique qui se prête à toutes les humeurs et à tous les propos. Il n'y a rien dans tout l’éventail des compositions qui ne puisse trouver une source thématique. (2)
Le "Herald" poursuit en parlant de façon fort ingrate des "soi-disant critiques" qui se sont aventurés à être en désaccord avec le grand Tchèque, et a en outre fustigé avec constance la "conspiration du silence" menée par la presse contre Mme Thurber et le National Conservatory.
Le "Herald" semble oublier que M. H. E. Krehbiel, le critique musical de la "Tribune", était l'un des "soi-disant critiques" qui n'étaient pas entièrement d'accord avec le Dr Dvorák. M. Krehbiel a changé d'avis sur le sujet - comme en témoigne son savant exposé sur la nouvelle symphonie dans la "Tribune" de vendredi dernier, que nous reproduisons intégralement dans ce journal. Le Dr Dvorák a reçu pleine justice dans cette ville. Henderson, du "Times" ; De Koven, du "World" ; Finck, du "Post" ; Spanuth, du "Staats-Zeitung" ; Steinberg, du "Herald" ; Mme Bowman, du "Sun" ; l'"Advertiser" et le "Recorder" ; tous ont souligné à maintes reprises sa qualité de compositeur, et il semble un peu arrogant, pour ne pas dire de mauvais goût, que le "Herald" accuse la presse de tenter de dénigrer ou de passer sous silence les multiples efforts voués par Mme Thurber à la cause musicale.
LE MUSICAL COURIER s'est souvent attardé sur le courage et le zèle de cette femme, et elle n'aura pas manqué de constater le résultat de ses efforts avec la magnifique soirée offerte par le Dr Dvoràk au Music Hall samedi dernier. Son choix de cet homme supérieur pour diriger le Conservatoire national paraissait alors certainement justifié. LE MUSICAL COURIER croit en la justice et saisit cette occasion pour relever le gant jeté avec tant de mauvaise humeur en défi à la confrérie des critiques dans le "Herald" de dimanche dernier.
Mme Thurber pourrait bien s'exclamer : "Délivrez-moi de mes amis". Pour rendre justice à M. Steinberg et à ses collaborateurs, il convient de préciser que ces accusations absurdes n'ont pas été rédigées par la critique, mais par le service d'information du journal. M. Van Cleef aurait dû lui porter une meilleure attention afin d'amender de telles "trivialités" qui font préjudice à toutes les parties.
Antonin Dvorák est un génie — cela ne fait aucun doute. Sa nouvelle symphonie ne le prouve cependant pas autant que les deux précédentes en ré [majeur] et en ré mineur (bien qu'elle s'approche dangereusement d'une grande œuvre), et de quelques autres compositions. (3) On l'a surnommé "le Schubert de Bohême" dimanche dernier, et dans ce même journal, la remarque de Robert Schumann sur Chopin a également été citée : "Chapeau bas, messieurs ; un génie !" Nous disons la même chose. Le Dr Dvorák possède une grande part des qualités naïves, ensoleillées et fertiles de Franz Schubert, et il faut le féliciter pour s'être abstenu de nous servir du pessimisme fortement dosé, tel qu'on le l'on trouve dans l'esprit de la musique de Brahms et de Tschaikowsky. Il est encore un enfant dans l'âme, et il vous emmène dans sa forêt, où il vous demande de cueillir gaiement des fleurs multicolores. Le soleil se baigne nu dans l'azur et Dieu demeure dans le monde. (4)
Peu importe que les fleurs qu'il offre soient celles du nord, du sud, de l'est ou de l'ouest. Elles sont belles et richement parfumées, dans l'indescriptible floraison de leur jeune âge. Dvorák ne nous mène pas à la façon de la séduisante et dangereuse Horsel, avec son décorum pesant. (5) Il vit en plein air, il est le grand peintre paysagiste de la musique de la fin du siècle, tout comme Tschaikowsky savait traiter des sujets caractéristiques de la figure dramatique, et Brahms se livrait à l'introspection dans ses rêveries musicales avec subjectivité et psychologie. C'est cette qualité de jeunesse, de gaieté naturelle sans fard, de gaieté, de force et de virilité que Dvorák met dans sa musique, et après un triomphe comme celui de la semaine dernière, nous sommes spirituellement revigorés et exaltés, et l'âme, comme l'a dit Walt Whitman, "flâne et invite à se contempler elle-même".
L'impression la plus tenace laissée par la nouvelle œuvre est son caractère musical intensif et l'absence totale de recherche de saveur locale, que ce soit dans le caractère des thèmes de leur traitement. Le Dr Dvorák a parfaitement assimilé son matériel, et nous ne trouvons nulle part des motifs qui froissent l'oreille. Ils sont tous mêlés, sans omission, et soigneusement mûris, et les thèmes sont les siens. Il s'est manifestement imprégné de la musique dite noire du Sud et a élaboré un matériel thématique qui conserve une partie de l'esprit et des couleurs de l'original, tout en se prêtant facilement à un traitement symphonique. Mais ces thèmes sont tous fortement métamorphosés. Ils sont musicalement adaptés au métier du compositeur.
Le Dr Dvořák est avant tout un symphoniste. Cette symphonie incarne ses impressions sur le Nouveau Monde. Le Dr Dvořák est un Tchèque. Sa nouvelle symphonie en mi mineur n'est pas américaine. L'auteur a été le premier à suggérer au compositeur d'utiliser des mélodies noires caractéristiques pour la symphonie ou la suite, en citant la charmante "Suite créole" de John Brockhoven. (6) C'était il y a un an. Le Dr Dvorák a écouté attentivement et était manifestement prédisposé à favoriser cette idée. Qui aurait dit alors que le Tchèque serait venu en Amérique pour nous dérober sans façon nos ressources locales ! En tout cas, il a accepté quelques exemples de thèmes ainsi qu'un livre sur les chants caractéristiques des oiseaux américains. (7) Nous avons pu juger de la façon dont il a utilisé tout cela et d'autres "disjecta membra", (8) déterrés à son profit, dans cette cinquième symphonie. Mais en quoi est-elle américaine ? Existe-t-il à vrai dire une musique née sur ce sol, tirant ses racines du terroir ?
Le thème le plus marqué du premier mouvement est de qualité celte, et il réapparaît dans chaque mouvement de l'œuvre. Le Dr Dvorák croit évidemment à la préservation de l'unité organique. Elle est parfaitement adaptée au traitement et est superbement traitée par le compositeur. Le deuxième sujet est nègre ou oriental, comme vous le souhaitez. Le mouvement lent est conçu de façon poétique, et il y a un sentiment de solitude, d'énorme perspective, suggéré par le cor anglais et son fond mélancolique de cordes divisées. Ce mouvement n'est certainement pas américain.
Le scherzo, avec sa suspension curieusement harmonisée et macabre, avant l'entrée du solo de flûte, est slave et éminemment dvorákien. Le dernier mouvement contient comme sujet principal une suggestion du thème du concerto en la mineur piano de Grieg. Il est peut-être américain, mais il sonne très celte ou très scandinave. Il contient également une curieuse touche de la "musique de Vénusberg". Ce mouvement est aussi ingénieusement construit que le dernier mouvement de la cinquième sympathie de Tschaikowsky. Il regorge d'émotion et de fougue. La subtile allusion au "Yankee Doodle" annoncée par les altos doit être acceptée comme une plaisanterie. La sympathie [sic] se transforme en une coda singulièrement puissante, et se termine de manière inattendue en la majeur.
Il n'est pas nécessaire de s'attarder sur l'habileté du travail, la multitude de rythmes, la richesse des couleurs orchestrales, l'utilisation intelligente de la gamme pentatonique, la prodigieuse intelligence du développement. Le compositeur est un maître consommé de son art, et sa vénération pour les formes anciennes le retient d'imiter Hérode dans la course folle à la laideur qui semble avoir mordu la jeune génération de compositeurs. Le Dr Dvorák croit en l'euphonie ; son orchestre sonne toujours bien, et son écriture polyphonique ne souffre aucune boursouflure, aucune scolastique obscure dans le traitement et le développement de ses thèmes. Tout est spontané, clair, aéré, sain, sain d'esprit et logique. La "Symphonie américaine" sera un succès gigantesque auprès du public et sera sans aucun doute jouée dans le monde entier. Inutile de se demander pourquoi. Les thèmes sont simples et accessibles, leur exposition est agréable, et le lustre et la brillance de l'instrumentation, les nombreux rythmes délicieux, tout concourt à faire de la symphonie une œuvre populaire. Et elle possède cette sonorité unique de la chanson populaire qui la rendra chère à toutes les nationalités.
Pourtant, la symphonie américaine, tout comme le roman américain, n'a pas encore été écrite. Et quand elle le sera, elle aura été composée par un Américain. Ceci est dit avec toute la déférence due au grand génie du Dr Dvorák.
Henri Marteau a gagné plusieurs centimètres de stature artistique depuis sa dernière visite. Il est toujours aussi gracieux dans son jeu, et si le concerto de Brahms était un peu trop profond pour lui, il l'a néanmoins joué brillamment et clairement. Quand la barbe du jeune homme aura poussé, il se rendra compte de la gravité des propos musicaux de Brahms, qu'il débite de façon trop ondulante et peu convaincante. Sa cadence ressemblait autant à Brahms que celle de Vieuxtemps. Elle était enfantine et bien triturée, mais ne révélait rien du compositeur de Hambourg. Pour le bis, Marteau a donné la fugue en sol mineur de la première sonate pour violon de Bach, qu'il a traitée grossièrement. Mais il a le génie positif de son instrument, et surtout le don de l'exécution. Son élocution, comme diraient les comédiens, est parfaite. En mûrissant, il développera sans doute d'autres qualités nécessaires [...] Pour l'instant, c'est un jeune virtuose fascinant. Il a reçu une ovation.
M. Seidl mérite des mots chaleureux pour la façon dont il a dirigé la symphonie de Dvorák. Cette symphonie a été interprétée avec beaucoup de swing et d'ampleur, et chaque membre de l'orchestre a fait de son mieux.
La musique de Mendelssohn a été jouée avec sécheresse, et dans l'accompagnement du concerto de Brahms, M. Seidl s'est montré apathique, voire antipathique. Cependant, dans le dernier mouvement, qu'il donne avec une fougue naturelle, M. Seidl devient un autre chef d'orchestre. Le premier thème sonne un peu comme une version hongroise du dernier mouvement du concerto pour violon en sol mineur de Bruch. M. Seidl est hongrois.
Après avoir entendu le larghetto [Largo] de la symphonie, le public, démonstratif, a envoyé au diable les conventions pour s'emporter à la façon d'une audience continentale (9). Dvorák, réclamé à grands cris, finit par apparaître dans l'une des loges supérieures et s'inclina devant la mer de visages qui se tendaient pour le voir. Il désigna M. Seidl. Cet acte courtois fut immédiatement apprécié. Les nombreux commentaires faits sur la nouvelle œuvre furent tous de nature élogieuse. Son caractère extrêmement celtique était patent pour de nombreuses personnes et l'opinion générale semblait être que Dvorák n'avait pas tardé à découvrir quel était le facteur primordial des Irlandais dans la vie politique de ce pays. Comme dit l'un d'entre eux : "Pourquoi ne pas l'appeler la symphonie du "Tammany Hall" ! C'est Indien et Irlandais, et ce n'est pas Indien et Irlandais américain ?" (10) Il faudra probablement attendre de nombreuses années avant qu'un concert de la Société philharmonique ne suscite autant de commentaires que celui du 16 décembre 1893.
La symphonie de Dvorák est américaine : vraiment ? Thèmes de mélodies noires ; composée par un Tchèque ; dirigée par un Hongrois et jouée par des Allemands dans une salle construite par un Écossais. Environ un tiers du public était américain, tout comme les critiques. Le reste était tout sauf américain, comme il se doit.
(Fin de l'article, non signé.)
Notes
(1) « ... la couleur et le traitement sont modernes et typiquement ceux de Dvorak - en d'autres mots, ils sont tchèques », écrit Huneker. Bel exemple de raisonnement circulaire, qui ne nous dit rien sur les caractéristiques d'une « musique tchèque », si ce n'est qu'elle provient ici de Dvořák, sans autre considération sur le contenu de la partition.
(2) Cette citation est par endroits différente de l'original, que l'on consultera sur ce site. Huneker reprend l'article de Creelman qui faisait déjà ces approximations.
(3) Symphonie en ré majeur : la Sixième, opus 60. Symphonie en ré mineur : la Septième, opus 70 (on peut écarter sans aucun risque l'éventualité que Huneker parle de la Quatrième, dans la même tonalité).
Huneker ne cite pas ici la Huitième symphonie op. 88 en sol majeur, soit qu'il ne la connaissait pas, soit qu'il l'estimait encore inférieure à celles qu'il signale.
(4) Huneker fait peut-être ici preuve d'ironie en caricaturant les clichés courants sur Dvořák.
(5) Hörsel : divinité qui, dans certaines croyances allemandes, accueille l'âme des jeunes filles. Voir James Ford Rhodes, Historical Essays, THE MACMILLAN COMPANY:New York, 1909.
(6) Huneker écorche le nom de John Andrew Van Broekhoven. Je recopie un passage de cet article :
Cet auteur tombé dans l’oubli avait écrit cette page dans les années 1880 à partir de chants noirs. Elle comporte trois mouvements qui rappellent par moments l’art de Louis Moreau Gottschalk tout en suggérant, en dépit de leur esprit léger, autre chose de plus profond : l’énergie irrésistible de la dernière partie, « Humoresque », sonne distinctement « américain », tout en syncope, concision, traits vifs et pentatonisme, dans le sens que l’on donnera à ce type de musique plus tard. Ce morceau présente dans ses premières mesures une série de croches répétant la même note, un curieux martèlement que l’on trouvera aussi au début du Scherzo de la future symphonie, à la différence près que Broekhoven utilise un simple accord de tonique majeure quand le Tchèque associera tonique mineure et septième mineure. Nul ne sait s’il prit effectivement connaissance de la Suite Créole et inféra de son étude quelques principes de composition, mais il n’est pas scandaleux de l’envisager. Dvořák, l’esprit en éveil, était à l’affût de la moindre suggestion qui soit de nature à élargir sa palette expressive, fût-elle d’apparence insignifiante.
(7) Certainement Wood Notes Wilde, publié en 1892 par Simeon Pease Cheney. M. Beckerman indique avoir trouvé ce livre au Musée Dvořák de Prague et en déduit que le compositeur l’avait selon toute logique rapporté d’Amérique. Voir M. Beckerman, New Worlds of Dvořák, p. 226 et s.
(8) "disjecta membra" : "membres épars". Huneker souligne ici l'éventail des petites inspirations de tout horizon qui s'imposèrent au compositeur.
(9) On suppose que le public de Manhattan savait se tenir, ou tout du moins avait le sentiment de savoir se tenir, marquant ainsi sa différence avec les audiences du reste du pays, jugées béotiennes, dans leur goût comme dans leur comportement. Chaque époque, sans doute, a ses propres ploucs.
(10) On reconnaît bien là le ton savant et railleur d'Huneker. Le Tammany Hall était un cercle démocrate de New York. Ses officiers prenaient des surnoms tirés de tribus indiennes. De nombreux Irlandais rejoignent le Tammany Hall dans la 2e moitié du XIXe siècle. Voir Britannica.
Alain Chotil-Fani, janvier 2022
Le texte de l'article original m'a été donné par le Dr Beveridge (merci). Les commentaires et la traduction sont de mon fait. Comme dans les autres articles de cette série, les signes diacritiques sont absents (on lit « Dvorak », « Dvoràk » ou « Dvorák » et non « Dvořák », « Antonin » et non « Antonín ») pour respecter l'orthographe employée en 1893 dans la presse américaine.
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