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14 septembre 2021

Rosa Newmarch

Les voyages de Janáček et la reconnaissance internationale


2. Qui est Rosa Newmarch ?


1. Ignorance internationale de Janáček

2. Qui est Rosa Newmarch ? (le présent article)

3. Rosa Newmark, premiers contacts avec la musique de Janáček

4. Rosa Newmark, premières rencontres avec Janáček

5. Nouveaux contacts Rosa Newmarch Leoš Janáček (1923 - 1925)

6. Préparatifs du séjour londonien de Janáček

7. Le séjour londonien de Janáček, mai  1926

8. Retombées du séjour londonien (à venir)

9. Réflexions de Janáček sur deux concerts en 1926


Née à Leamington en 1857, non loin de Stratford-upon-Avon, la ville natale de Shakespeare, Rosa Harriet Jeaffreson s’installa à Londres quelque temps après ses vingt ans. Elle se maria avec Heny Charles Newmarch et depuis signa ses articles littéraires par son nom marital. Elle donna naissance à deux enfants, John et Elizabeth (Elsie). Son éducation développa en elle un goût très fort pour la musique. Comme elle avait une plume brillante, un peu plus tard, elle rédigea des chroniques, musicales pour la plupart d’entre elles, pour un journal local.


Son intérêt pour la musique la poussa à une traduction d’un livre consacré à Johannes Brahms. Lorsqu’elle approcha de la quarantaine d’années, elle s’intéressa à la musique russe que peu de musiciens britanniques interprétaient et par conséquent était plutôt inconnue de ses compatriotes alors que la littérature russe jouissait d’un intérêt grandissant. Rosa Newmarch écrivit à Vladimir Stassov et entra en correspondance avec lui. Sur les dernières années de sa vie, ce critique musical et historien d’art qui fut le parrain du « Groupe des Cinq (1) » la fit profiter de sa connaissance profonde d’une musique russe que Glinka et les Cinq avaient fait fructifier. En 1897, lors de sa première visite en Russie, Rosa Newmarch rencontra son correspondant qui devint son mentor et qui la guida dans ses études à travers les archives musicales de Saint-Petersbourg et la vie musicale présente. Elle avait appris la langue russe. Ainsi, avec ses connaissances musicales, avec sa compréhension de l’histoire récente du développement de l’opéra russe, elle put découvrir les différences de concepts opposant le Groupe des Cinq et Tchaïkovsky, par exemple, et leurs apports respectifs à la musique russe du XIXe siècle. De même, toujours grâce à Stassov, elle réalisa quel riche langage musical Moussorgski offrit à ses compatriotes. Elle rencontra deux compositeurs des « Cinq », César Cui et Rimsky-Korsakov ainsi que Glazounov et d’autres artistes hors de la sphère musicale ce qui enrichit considérablement sa compréhension des différentes tendances des écoles musicales russes.


Lorsqu’elle revint en Grande Bretagne, avec dans ses valises un certain nombre de partitions de Glinka, Moussorgski et Rimsky-Korsakov, elle n’eut qu’un désir, faire connaître quelques-unes des œuvres de ces compositeurs russes aux mélomanes britanniques. Pour parvenir à ses fins, elle influença le jeune chef d’orchestre, Henry Wood, afin qu’il crée Eugène Oneguine, premier opéra russe à entrer en Grande Bretagne une trentaine d’années après sa composition par Tchaïkovsky. D’autre part, sa plume se mit au service du musicien de la Symphonie Pathétique en rédigeant toute une série d’articles et surtout le premier livre occidental à propos de ce compositeur russe Tchaikovsky, His life and works - Londres/New York, 1900 (Tchaïkovsky, sa vie et ses œuvres). 


Stassov rendit visite à la musicographe anglaise en 1901 et l’invita de nouveau à venir le rencontrer en Russie. Son amour de la musique russe la décida à se rendre une nouvelle fois à Saint-Petersbourg où elle eut la chance de lier connaissance avec Milij Balakirev d’où découla une correspondance avec le créateur du mythique Groupe des Cinq. De retour à Londres, elle travailla sur un nouveau volume The Life and letters of Peter Ilich Tchaikovsky - Londres/New York, 1906 (La vie et la correspondance de Tchaïkovsky) qu’elle fit suivre d’une étude Poetry and Progress in Russia - Londres, 1907 (Poésie et Progrès en Russie). Elle s’attela à des traductions en anglais des livrets de mélodies et d’opéras russes, Boris Godounov et Kovantchina de Moussorgski, Le Prince Igor de Borodine, La Pskovitaine de Rimsky-Korsakov, Rusalka de Dargomijsky, La Reine de pique de Tchaïkovsky. Dernières productions touchant la Russie, la réalisation de deux livres relatant L’Opéra russe (1914) et Les arts russes (1917) succédant à deux voyages supplémentaires en Russie en 1910 et 1915. A cette époque, avait-elle fait le tour de la musique russe après y avoir travaillé durant une vingtaine d’années ? Il semble que oui. Mais son intérêt pour la culture slave, Rosa Newmarch ne l’avait pas abandonné. 


Après avoir découvert la musique de Jean Sibelius au tout début du XXe siècle et après avoir rencontré le compositeur finlandais chez lui, son oreille prêta une attention certaine du côté de la Tchécoslovaquie à partir du moment où les Tchèques, les Moraves et les Slovaques retrouvèrent leur indépendance politique et culturelle en novembre 1918.


Les interventions positives de Rosa Newmarch envers la musique tchécoslovaque seront examinées dans ce prochain article, Premier contact de Rosa Newmarch avec la musique de Leoš Janáček en 1919 (voir plus haut). 


Joseph Colomb - août 2021


Note : 


1. Le Groupe des Cinq, créé par Milij Balakirev (1837-1910) dans les années 1860, rassemblait César Cui (1835-1918), Nicolaï Rimsky-Korsakov (51844-1908), Alexandre Borodine (1833-1887) et Modeste Moussorgski (1839-1881). Ces compositeurs souhaitaient produire une musique russe appuyée sur les musiques populaires de leur pays. Vladimir Stassov (1824-1906) critique d’art et écrivain soutint le Groupe des Cinq par ses nombreux écrits et ses interventions dans le monde culturel qui s’éveilla de plus en plus aux productions des compositeurs russes échappant progressivement aux influences étrangères.

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