Premières auditions de la Symphonie du Nouveau Monde - New York Times, 17 décembre 1893
Que disait la presse américaine au moment même où la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák a été jouée pour la première fois ? Cette musique était-elle alors perçue comme nationale, et en quoi ? Nostalgique ? Inspirée par les chants de Noirs, par ceux des Indiens ?
On trouvera ci-dessus un article du New York Times, édition du 17 décembre 1893. Son auteur n'est pas cité. Un passage du Musical Courier en date du 20 décembre laissera penser qu'il s'agissait de William James Henderson. Cela est très probable : la qualité des idées défendues dans cette analyse mérite qu'on s'y attarde, on le verra, et porte la marque d'un penseur de haut rang, comme l'était Henderson. Celui-ci préfacera, quelques années plus tard, un recueil de chants de Foster arrangés par Harry Burleigh, l'un des plus célèbres inspirateurs de Dvořák.
C.M. Bell, photographer. Henderson, J.W. , 1894. [between February and February 1901] Photograph. https://www.loc.gov/item/2016699447/. |
Ce texte autour des premières auditions de la 9e symphonie de Dvořák paraît le même jour, 17 décembre 1893, que celui du New York Herald. La liste des articles de cette série est la suivante :
The New York Times, 17 décembre 1893 (William James Henderson ?) - la présente page
Contexte
L'article est écrit après la création officielle de la Symphonie, qui s'est tenue le 16 décembre 1893.
Ce que dit l'article
- Influence (rapportée ou supposée) du Chant de Hiawatha pour les deux mouvements médians
- Hypothèse que le chapitre « La famine », dans lequel on lit la mort de Minnehaha, a pu influencer le Largo
- Caractéristiques de chants noirs
- Gamme pentatonique
- Scotch snap
Ce que ne dit pas l'article
- Pas d'expression de la nostalgie
Phrases emblématiques
« La mélodie est de son invention, mais elle partage avec la musique noire une expression émouvante, parmi d'autres facettes caractéristiques. Il s'agit d'un chant d'esclave idéalisé, propre à évoquer le calme souverain de la prairie nocturne. »
« Le compositeur américain avait essayé d'employer de telles mélodies (chants populaires) et - si l'on peut nous pardonner le mot - elles ne symphonisaient pas. »
« Nous sommes enclins à la considérer comme la meilleure symphonie du Dr Dvorak, ce qui revient à dire que c'est une grande symphonie et qu'elle doit prendre sa place parmi les plus belles illustrations de cette forme produites depuis Beethoven. »
« À l'aide de thèmes façonnés pour leur traitement symphonique, il a écrit une magnifique symphonie, où palpite l'âme américaine, et qui exprime la mélancolie de nos immensités de l'Ouest, tout en annonçant leur conquête par le plus énergique des peuples. Nous, Américains, devrions remercier le maître tchèque, et l'honorer pour nous avoir montré comment fonder notre école nationale de musique. »
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La dernière œuvre du Dr Dvorak
Sa cinquième symphonie (1) au programme du Philharmonique.
« From the New World », une étude de musique nationale - Comment un compositeur célèbre a employé le matériel trouvé en Amérique - Une page vigoureuse et magnifique fondée sur des thèmes caractéristiques - Une leçon pour le compositeur américain.
Décrire une nouvelle œuvre musicale représente un effort aussi vain, ou peu s'en faut, que celui de photographier le parfum d'une fleur. Tout au plus est-il possible de formuler une idée imparfaite et peut-être trompeuse d'une œuvre aussi complexe que l'est une symphonie par le truchement d'une froide analyse ; faute de mieux, cet exercice doit être tenté. Si l'on accepte dès lors la prémisse douteuse selon laquelle des mots peuvent rendre justice à la musique, nul ne saurait trouver sujet plus justifié à l'heure actuelle que celui offert par la nouvelle symphonie jouée vendredi après-midi par la Société philharmonique au Music Hall, et qu'elle a redonnée hier soir devant un large public manifestement enchanté. Cette œuvre est intitulée « Z Novecho Sveta » (2), ce qui se traduit par « Du Nouveau Monde ». Elle est datée de 1893 et représente l'opus 95 d'Antonin Dvorak, le célèbre maître de Bohême, aujourd'hui résident de cette ville.
La signification du titre « From the New World » peut être brièvement expliquée. Le Dr Dvorak est venu en Amérique pour enseigner son art. Il devait savoir avant son arrivée que nous ne possédions pas d'école de composition typiquement nationale et que la fondation d'une telle école se heurtait à des difficultés. Le caractère cosmopolite et hétérogène du peuple, en premier lieu, excluait toute possibilité d'anthologie folklorique dans laquelle il serait possible de puiser. La musique folklorique qui naît de cette terre est celle des Indiens. Or, une musique folklorique est la seule musique qui puisse incarner spontanément et organiquement des caractéristiques, un tempérament et des tendances marqués par la race. Pour une population importée, composée d'individus venus de l'hémisphère oriental et qui ne se sont pas encore fondus dans un tout parfaitement composite, aucune musique folklorique n'est envisageable, à l'exception de celles venues des pays d'origine. Par conséquent, aucune école nationale de musique ne pouvait apparaître. Le compositeur d'origine américaine, incapable de surmonter cette difficulté, s'est contenté d'écrire de la musique à la manière allemande, française ou italienne, sauf lorsqu'il reprenait de temps à autre nos airs dits nationaux, les mélodies de plantation des Noirs ou les ballades patriotiques de la guerre civile, pour en faire des patchworks plus ou moins artistiques. (3)
L'année dernière, le Dr Dvorák a suscité l'intérêt des musiciens du monde entier en déclarant qu'il croyait qu'il y avait de la musique folklorique en Amérique - pas celle de tout le peuple, sans doute, mais une musique capable d'exprimer certaines facettes caractéristiques de la vie américaine, du climat et des particularismes de ce pays, ainsi que de faits historiques. Il pensait que la musique américaine devait s'inspirer de cette musique folklorique. Il annonça son intention de tenter lui-même une expérience. Il allait écrire une symphonie américaine. Les compositeurs américains et de nombreux critiques, oublieux d'une prudence élémentaire et prompts à formuler des conclusions hâtives, ont alors souri en déclarant que telle chose ne saurait être réalisée avec succès. Les compositeurs, les critiques et le public musical se sont fourvoyés en imaginant que le Dr Dvorak allait prendre une pincée de « Bell da Ring », « Marching Through Georgia » et « Way Down Upon the Suanee Ribber » et s'efforcer de bâtir une symphonie à l'aide de telles mélodies, peu symphoniques et d'un traitement difficile. Le compositeur américain avait déjà essayé de les employer et - si l'on nous permet l'expression - elles ne symphonisaient pas. Ces messieurs savaient-ils qu'ils avaient affaire à symphoniste-né ? Ils auraient dû se souvenir de ce qu'il avait déjà fait avec les airs folkloriques de son propre peuple. Rubinstein, Brahms, Hanslick et quelques autres Européens se sont gardés de la moindre prédiction idiote et déclarèrent qu'ils attendraient le résultat de l'expérience du Dr Dvorak avec beaucoup d'intérêt. (4)
Cette expérience est apparue en pleine lumière, et il est maintenant notre devoir, aussi bien que notre privilège, de nous efforcer de percevoir l'esprit dans lequel le Dr Dvorak a conçu et exécuté sa tâche. De quelle manière a-t-il utilisé la musique noire ou indienne ? A-t-il réussi à bâtir avec elle une authentique symphonie ? Ce travail, en définitive, en valait-il la peine ?
En premier lieu, le Dr Dvorak a démontré sa maîtrise approfondie de l'écriture symphonique en évitant le piège dans lequel tous les compositeurs américains sont tombés. Il n'a fait aucun usage - sauf dans un cas - de mélodies existantes. Il s'est imprégné de l'esprit de la musique noire et a ensuite inventé ses propres thèmes. Il s'est rendu maître des particularités mélodiques, rythmiques et harmoniques fondamentales des airs noirs. Il eut l'habileté musicale de percevoir l'essence de ces mélodies. Les adaptations d'un rythme familièrement connu sous le nom de « Scotch snap », mais qui ne provient certainement pas de la seule Écosse, et les modifications de la gamme pentatonique dont l'enfant d'Écosse et le Chinois jouissent en commun - modifications sans doute causées par le contact avec la gamme plus riche d'un système musical supérieur - se sont imposées à l'attention du Dr Dvorak. Il a réussi à dévoiler un autre grand secret, celui du mouvement ondulatoire de beaucoup d'airs noirs qui montent constamment en tonalité mélodique et augmentent en intensité sonore pour retomber dans des registres plus bas avec une intensité diminuée. Il n'est peut-être pas tout à fait fantaisiste de faire remonter cette particularité au mouvement oscillant d'une expression émotionnelle, s'effaçant devant la crainte d'une aggravation de l'affliction provoquée par la condition d'esclave. Nous ne pouvons nous engager à retracer toutes les ramifications par lesquelles le Dr Dvorak a approché la nature de la musique noire. Nos procédés seraient lents et analytiques, alors que les siens étaient sans doute rapides et dans une certaine mesure intuitifs. Un compositeur doué percevrait aussitôt les particularités architecturales de cette musique.
Ayant ainsi appris comment la musique noire est faite, le Dr Dvorak a construit des thèmes symphoniques. Il a créé des mélodies parfaitement adaptées au processus du développement symphonique. Par la suite, sa tâche est devenue relativement aisée pour un grand musicien. Il devait garder à l'esprit la nécessité de manipuler son matériel de manière que son caractère soit préservé dans chaque phase de son traitement musical, quels que soient les procédés de soustraction, d'augmentation ou d'inversion utilisés. On peut tout aussi bien dire ici que le Dr Dvorak a parfaitement réussi. Sa nouvelle symphonie démontre de façon éclatante sa maîtrise de tous les problèmes de la construction symphonique. Les objectifs conceptuels de l'œuvre apparaissent toujours avec clarté ; l'expression de son émotion et des caractéristiques qu'il cherche à faire entendre ne souffrent pas de la moindre faiblesse.
L'œuvre s'ouvre sur une introduction lente, solennelle et mystérieuse, qui peut être considérée comme une belle illustration de l'étrangeté et de l'immensité du Nouveau Monde. Cela nous amène à l'allegro du premier mouvement. Le premier sujet, énoncé par le cor, proclame aussitôt la source d'inspiration du compositeur par les particularités mélodiques et rythmiques déjà évoquées. Il comporte le « Scotch snap », tel qu'utilisé par le Noir, et il est pentatonique. Une mélodie subsidiaire est entonnée par la flûte dans son registre le plus grave et, là encore, le rythme est familier à de nombreux « walk-arounds » d'autrefois. Sa caractéristique mélodique est le fa naturel dans la gamme de sol mineur - la septième bémol. C'est une particularité de nombreux types de chants folkloriques, et c'est sans aucun doute un héritage de l'influence des anciennes gammes grecques. Le deuxième thème principal (5) du mouvement est également introduit par la flûte, et c'est l'une des mélodies les plus délicieusement africaines de toute l'œuvre. On y entend clairement la voix du Noir américain au cœur ensoleillé, toujours prêt à danser, mais avec une note de tristesse toujours présente, révélée dans les quatre premières notes : une phrase pentatonique. Dans le développement de ces thèmes, si une image est évoquée dans l'esprit, elle doit être de couleur ébène. Le mouvement entier palpite d'activité, de souplesse d'émotion et d'énergie. L'esprit énergique est plutôt celui du peuple américain en général que de l'Éthiopien. Le Dr Dvorak a sans aucun doute conçu le mouvement pour tenir un discours comme : « Voici la musique qui naît de votre sol, qui réjouit vos oreilles et trouve une place durable dans vos cœurs. J'annonce ces mélodies doucement, peut-être même timidement, car elles proviennent de leurs créateurs. Mais peut-être les chanterez-vous à vous-mêmes, ensuite, avec une énergie débordante ».
Nous sommes dûment informés que les deuxième et troisième mouvements de la symphonie ont été écrits pour exprimer certains états d'âme que l'on trouve dans la littérature américaine et qui sont à jamais incarnés dans le « Hiawatha » de Longfellow. L'intérêt porté par le Dr Dvorak à ce poème atteste son affection pour notre esprit national. Il n'aurait pas pu trouver meilleur livre pour pénétrer la poétique américaine dans ce qu'elle a de plus pure, et de mieux inspiré en relation avec l'esprit du folklore indigène. Dans l'adagio (6) de sa symphonie, il témoigne d'une grande tristesse, teintée de désolation. Le murmure discret des cordes en sourdine accompagne une mélodie merveilleuse et émouvante prononcée par la voix plaintive du cor anglais. La mélodie est de son invention, mais elle partage avec la musique noire une expression émouvante, parmi d'autres facettes caractéristiques. Il s'agit d'un chant d'esclave idéalisé, propre à évoquer le calme souverain de la prairie nocturne. Lorsque la marche de la civilisation (7) a atteint les immenses plaines de l'Ouest, le sang, la sueur, la détresse, des os blanchis d'êtres humains accompagnèrent sa progression. Quelque chose de cette affreuse douleur ensevelie dans la prairie a dû s'imposer à l'esprit du Dr Dvorak lorsqu'il contempla les plaines après avoir lu « La Famine ». (8)
C'est un tableau de paix et de beauté, teinté par le souvenir d'afflictions anciennes, que le compositeur brosse au début et à la fin de son deuxième mouvement. Au milieu, on entend une curieuse mélodie qui semble être une idéalisation d'un chant indien. Elle est belle et étrange. Il y a aussi une récurrence très efficace des thèmes du premier mouvement. Là encore, un passage construit sur un petit thème en staccato, travaillé avec des trilles tout en contrastes des vents et cordes représente, on peut l'avancer, la vie animale de la prairie.
Il fut sans doute tentant d'écrire une danse nègre en guise de scherzo, mais le Dr Dvorak ne se détourna pas de son but. Il composa un scherzo dans le style classique, tout en empêchant, par l'emploi d'intervalles et de traits rythmiques à la nature caractéristique, une dérive qui aurait laissé de côté le sens général de l'œuvre. La mélodie principale de l'allegro conclusif est énoncée par les cuivres, accompagnée par des accords vifs en staccato du reste de l'orchestre. Nous avons lu dans une analyse préliminaire de l'œuvre, publiée vendredi, qu'un développement particulier de ce splendide thème aux altos a pris la forme d'une sorte de « Yankee Doodle ». (9)
Le Dr Dvořák a déclaré que ce n'était pas intentionnel. Si cela est exact, l'intention aurait été des plus opportunes, car il s'agit d'un trait humoristique, ingénieux et charmant. Tout au long de ce dernier mouvement, le compositeur utilise le matériel déjà présenté dans les autres mouvements. Cet usage prouve sa maestria de musicien et offre un discours artistique de très haut rang. Grâce à ce procédé, il a conféré à sa symphonie un caractère affirmé et une vraie unité. Selon nous, elle va plus loin encore, en démontrant selon une approche logique et enthousiasmante la conviction du Dr Dvorak selon laquelle nous, Américains, finirons par faire nôtres les musiques noire et indienne, pour exprimer notre âme nationale à travers elles. Il est assuré que les Américains ne ressentent rien d'autre que de la fière dignité, de la puissance, de la résolution, un goût pour l'exploit victorieux, toutes choses qui résonnent dans le final de cette admirable symphonie.
Les questions posées au départ ont presque toutes trouvé une réponse. Je me suis efforcé de montrer comment le Dr Dvorak a utilisé la musique du terroir pour créer une véritable symphonie dans le style classique. Afin de ne pas obscurcir son propos avec des procédés trop riches, le Dr Dvorak s'est abstenu d'utiliser l'orchestre contemporain. Son orchestre est l'orchestre symphonique classique de Beethoven, auquel s'ajoute le cor anglais. L'instrumentation, cependant, est moderne. Des procédés tels que la subdivision de chaque département du quatuor à cordes en plusieurs parties relèvent entièrement de la période post-beethovénienne. Le dernier accord du mouvement lent, par exemple, est joué par les contrebasses seules, mais en quatre parties. Ces particularités d'instrumentation sont le fruit du jugement sans faille du Dr Dvorak, et renforcent l'expressivité de la musique. En résumé, les mélodies fondamentales de la symphonie sont belles et pleines de caractère ; le développement est clair et logique, et la symphonie, dans son ensemble, est symétrique, puissante et intensément intéressante. Nous sommes enclins à la considérer comme la meilleure symphonie du Dr Dvorak, ce qui revient à dire que c'est une grande symphonie et qu'elle doit prendre sa place parmi les plus belles illustrations de cette forme produites depuis Beethoven. (10)
Enfin, est-elle américaine ? La réponse à cette question dépend entièrement de l'attitude que le public américain décide d'adopter à l'égard des sources d'inspiration du Dr Dvorak. Le fait que la musique indienne et la musique noire partagent certaines de leurs particularités avec la musique populaire de l'Ancien Monde ne doit pas être mis en cause pour discréditer la tentative du compositeur. En dépit de toutes les affirmations contraires, les chansons des plantations du Noir américain possèdent une individualité frappante. Peu importe l'origine du matériel à partir duquel ils furent créés : les influences locales qui accompagnèrent leur développement ont permis d'en faire quelque chose d'entièrement nouveau. Ce phénomène est le résultat direct de causes dues à notre climat et à nos actions, pour le dire sans ambages, des causes spécifiquement américaines. Notre Sud fait partie de nous. Il est sans pareil. L'esclavage qui y sévissait, avec ses facettes domestiques et raciales, était le nôtre, sans équivalent. Au cœur de cet esclavage, au sein d'un Sud doux et langoureux, avec ses forêts de cannes et ses champs de coton, est née l'expression musicale spontanée d'un peuple. Cette musique folklorique a frappé et séduit l'âme des Américains. Le plus populaire de tous les compositeurs américains était celui qui s'approchait le plus d'une imitation de cette musique - Stephen Foster. Le peuple américain, dans sa majorité, a appris à aimer les chansons de l'esclave noir et à trouver en elles quelque chose qui appartenait à l'Amérique. Si ces chansons ne sont pas nationales, alors il n'existe pas de musique nationale.
Il est faux de supposer qu'une chanson nationale doit être une chanson qui exprime directement et intentionnellement le sentiment patriotique. Un chant national est un chant qui est du peuple, pour le peuple, par le peuple. Les Noirs nous ont donné leur musique et nous l'avons acceptée, sans le proclamer à qui veut l'entendre, mais en l'admettant parmi nous, la mettant dans nos bouches et nos foyers. Le Dr Dvorák a pénétré l'esprit de cette musique. À l'aide de thèmes façonnés pour leur traitement symphonique, il a écrit une magnifique symphonie, où palpite l'âme américaine, et qui exprime la mélancolie de nos immensités de l'Ouest, tout en annonçant leur conquête par le plus énergique des peuples. Nous, Américains, devrions remercier le maître tchèque, et l'honorer pour nous avoir montré comment fonder notre école nationale de musique.
Notes
(1) Il s'agit de la neuvième, et non de la cinquième comme on l'a souvent cru.
(2) En réalité : « Z nového světa ».
(3) Passage lucide sur l'impasse où se trouvaient alors les compositeurs américains, piégés entre l'imitation de ce qui se faisait en Europe et une approche plus légère mais incapable de s'incarner dans de grandes œuvres (et ajoutons : une tendance certaine à la grandiloquence, caractéristique d'une stérilité créatrice).
(4) L'article Real Value of Negro Melodies est publié en mai 1893, quand la symphonie est presque achevée. Il ne représente pas le point de départ d'un défi auquel Dvořák aurait répondu en écrivant sa symphonie.
(5) Troisième thème, en réalité.
(6) Sic, pour Largo.
(7) Texte original : « When the star of empire took its way over those mighty Western plains blood and sweat and agony and bleaching human bones marked its course. » Les mots « star of empire » désignaient les jeunes États-Unis en conquête d'un vaste territoire. Voir cette page pour l'origine de l'expression : alarob.wordpress.com/2010/03/29/star.
(8) Erreur de chronologie : le compositeur contempla les paysages de Middle West après l'écriture de la symphonie, et non avant. Cette curieuse idée était alors répandue. En revanche, il accepta le ralentissement du tempo du 2e mouvement après son retour de l'Iowa. « La Famine » est le chapitre du Chant de Hiawatha où est racontée la mort de Minnehaha. C'est la première fois qu'un écrit associe ce passage au Largo du Nouveau Monde : notons qu'il ne présente pas ce passage du poème comme une inspiration explicite, mais qu'il pose cette hypothèse comme étant simplement possible, en la liant à l'évocation des contrées sauvages et désolées du Far West.
(9) Allusion à l'article de Henry Krehbiel dans le New York Daily Tribune, 15 décembre 1893, disponible ici.
(10) « L'orchestre de Beethoven » : l'auteur de l'article reprend ici une information du New York Herald du 15 décembre 1893. Étrange allusion, car l'orchestre est, à très peu de choses près (triangle, cymbales), celui de Dvořák lui-même pour sa propre symphonie précédente, en sol majeur (8e symphonie). Je pense que cette assertion constitue la réponse à la question d'un journaliste, non reproduite, qui faisait allusion à des orchestrations comme celles de Berlioz (harpe, ophicléide...) ou d'autres compositeurs américains contemporains volontiers portés à la démesure, ce qui était pour eux un moyen de représenter en musique l'immensité des États-Unis.
« C'est une grande symphonie [qui] doit prendre sa place parmi les plus belles illustrations de cette forme produites depuis Beethoven » : opinion que l'histoire de la musique n'a pas démentie, bien au contraire. Certains biographes — dits « de référence » ! — crurent bon de se moquer d'un tel avis. La chose n'est pas étonnante, étant donné l'idéologie qui a si longtemps contaminé les études sur Dvořák, surtout en France. J'ai plusieurs fois abordé ce thème, par exemple ici : musicabohemica.blogspot.com/2017/06/dvorak-larousse-spectres-marx.html.
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