Antonín Dvořák et le village de Vysoká u Příbramě
Le village de Vysoká ("en haut") près de Příbram, situé à 600 m au-dessus du niveau de la mer, à proximité des Monts Brdy, était l'endroit qu'Antonín Dvořák chérissait le plus au monde. Il y passa tous les étés de 1883 à sa mort, sauf en 1893, quand il séjournait aux Etats-Unis. A Vysoká il composa plusieurs de ses œuvres maîtresses.
Il découvrit sans doute ce lieu en 1877 quand il fut le témoin des noces de sa belle-sœur, l’actrice Josefina Čermáková, qui épousa le comte Václav Kounic dans l'église du village voisin de Třebsko (où Dvořák devait par la suite jouer de l’orgue à plusieurs reprises). Kounic était le propriétaire du domaine de Vysoká où il avait fait construire un petit château qui faisait office de résidence estivale pour lui-même et son épouse.
Dvořák et sa famille prirent dès lors l'habitude de quitter Prague pour de courts séjours à cet endroit (on a conservé la trace de ces visites à partir de l’année 1880) et, à partir de 1883, pour des étés entiers, d'abord comme invités du comte dans un petit complexe près du château nommé "la petite cour" (aujourd'hui détruit) où une autre sœur Čermáková, Klotilda, habitait avec son mari Jan Hertan, garde forestier du comte. Dans cette "petite cour", de 1882 à 1884 Dvořák composa les ouvertures Mon pays natal et Hussite, les chœurs Dans la nature, et la cantate La fiancée du spectre. En mai 1884 il écrivait à son éditeur Simrock :
Je suis dans la plus belle forêt, je passe des jours magnifiques dans un climat enchanteur - et reste sans cesse émerveillé par le chant des oiseaux. On ne peut pas décrire la beauté de cette matinée !
Son vœu était de posséder sa propre maison à Vysoká. Le 1er août 1884 le comte Kounic lui vendit (ou, selon ses descendants, lui donna) un terrain distant d'un kilomètre à l’est du château comprenant une bergerie et (selon plusieurs sources) une maison ou une grange, bâtiments alors non utilisés. Dvořák fit démolir la bergerie, mais on continua à designer l’endroit sous le nom "bergerie" (et ce, même dans la correspondance familiale) tout au long de la vie du compositeur. Il aménagea l’autre bâtiment pour en faire une maison habitable pour lui-même et sa famille, et y emménagea vers avril 1885. Au sud de la maison il fit construire un cabanon pour un gardien et une remise. Il se lança avec ravissement dans le jardinage, plantant des arbres rares venus de domaines où il possédait des amis proches, aux alentours de Čimelice et à Sychrov en Bohême du Nord. Plus tard il fit ajouter une aile sans étage à la façade orientale de la maison principale. Après sa mort, on construisit une façade Art Nouveau et la maison fut baptisée du nom de Villa Rusalka, d’après l’opéra à succès portant ce nom. L’ensemble de ces édifices appartient à ses descendants encore aujourd’hui.
Dans la bergerie, Dvořák composa sa seconde série de Danses slaves, son célèbre Quintette avec piano, l’Ouverture Carnaval, le Te Deum, les Humoresques pour piano y compris la 7e, l’une de ses plus populaires pièces, et des parties importantes de beaucoup d’autres œuvres comme la Huitième Symphonie, les quatre deniers opéras y compris Rusalka, l’oratorio St. Ludmila, le Requiem et la Messe en Ré majeur, les Impressions poétiques op. 85 pour piano.
Ses élèves Josef Suk, Oskar Nedbal et Harry Patterson (qui le suivit depuis l'Amérique) vinrent ici, tous pour des séjours assez longs, tout comme le compositeur Leoš Janáček et les écrivains Josef Václav Sládek, Jaroslav Vrchlický et Julius Zeyer. Mais Dvořák adorait aussi communier avec l'esprit populaire rural de cet endroit.
Dvořák écrivit depuis les Etats-Unis à un ami du pays :
Je suis maintenant en train d’achever le finale du Concerto pour violoncelle. Si j’avais pu travailler comme je le fais à Vysoká je l’aurais terminé depuis longtemps. Mais ici je suis trop occupé, je ne peux pas me consacrer entièrement à la composition et quand je le peux il me manque le ressort pour m'y mettre. Bref, le mieux est d’être à Vysoká : c’est le meilleur endroit pour puiser une force nouvelle et prendre un peu de repos – et puis, c'est là où je suis heureux.
David R. Beveridge
Article écrit pour le Festival Dvořák de Prague (septembre 2015)
Traduction Alain Chotil-Fani avec l'aimable autorisation de l'auteur
Voir aussi le site consacré au mémorial Antonín Dvořák de Vysoká u Příbramě : http://www.antonindvorak.cz/fr/
Voir aussi le site consacré au mémorial Antonín Dvořák de Vysoká u Příbramě : http://www.antonindvorak.cz/fr/
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